[Spoils V5] Les Carnets de Peytho

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Peytho
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[Spoils V5] Les Carnets de Peytho

Message par Peytho »

Bonjour à toutes et à tous,

Je me permets de créer ce fil pour placer les différents textes créés à la suite de mes parties Nephilim. L'idée est de romancer un peu (comme j'aime beaucoup écrire) tout en suivant les chemins empruntés en partie par mon PJ.

Précision : ce sont des scénarii officiels, v5, que me fait jouer mon MJ en solo. Du coup, attention, il y a des spoilers !!

Ce premier texte est une introduction au personnage, et ne comporte donc pas de spoilers, mais les suivants qui arriveront peu à peu, si ! La première histoire qui va vous être contée est issue du scénario de la Saison 1 "les Veilleurs".

J'espère humblement que vous apprécierez.

Bonne lecture.
Peytho
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Re: Les Carnets de Peytho

Message par Peytho »

Introduction


La jeune femme se laissa aller dans le fauteuil de bureau le temps du téléchargement de la vidéo sur Youtube. Sa dernière création n’était certainement pas sa meilleure, mais elle devrait faire le job. Il faudrait ensuite lancer l’annonce sur les réseaux sociaux, et identifier le sujet à traiter le mois prochain… Elle poussa un soupir de lassitude, tendant nonchalamment le bras vers la machine à café pour lancer l’expresso tant souhaité. Alors que la machine enclenchait le bruit sourd du broyeur, elle glissa un doigt contre la tasse, attendant de sentir le doux picotement de la brûlure du liquide chaud.

Voilà bien quatre mois maintenant qu’elle s’était incarnée dans le corps de cette jeune Youtubeuse en manque de reconnaissance. Elle appréciait néanmoins de retrouver la familiarité des écrans et des programmes, que son dernier simulacre lui avait permis d’apprendre. Peytho aimait le ronronnement des machines, cette chaleur opaque qui s’installe dans un bureau malgré l’essoufflement des ventilateurs intégrés… Les mains nouées autour de la tasse de café, elle regarda le profil Twitter de son simulacre : Victoria Lacrouts, aka (Hi)Story Hunter et ses 85k abonnés. La chaîne avait presque doublé le nombre de ses abonnés en trois mois, depuis que Peytho avait décidé de s’y investir. Une habitude qu’elle semblait garder, à chaque réincarnation. Certes, Victoria n’existait plus réellement, l’esprit de Peytho ayant entièrement pris le contrôle, mais la Nephilim ne pouvait s’empêcher d’essayer de réaliser le rêve du simulacre qu’elle possédait. Une manière, peut-être, de se sentir un peu moins coupable d’effacer l’esprit d’un être pour exister à sa place. Elle lui volait son histoire, ses liens, son corps… alors elle s’attachait au moins à accomplir quelque chose de signifiant pour le simulacre. Dans le cas de la petite Youtubeuse, elle avait donc décidé de lui offrir cette reconnaissance qu’elle espérait tant des réseaux sociaux, en investissant sa chaine sur l’Histoire (dans un secteur déjà bien occupé, c’était décidément une très mauvaise idée qu’avait eu là Victoria…) et la modelant juste assez pour lui donner la direction nécessaire. Les résultats avaient été fulgurants, et Victoria était aujourd’hui une petite star des réseaux.

Son regard se détourna vers le cadre accroché au-dessus du bureau. La petite reproduction de L’enlèvement de Proserpine, sculptée par Le Bernin, ressortait très bien sur le mur en pierre du loft. Le regard de Peytho se fit plus dur, tandis qu’elle admirait les traits de Pluton, heureux de sentir Proserpine se débattre entre ses doigts. Elle pouvait presque sentir ces mains calleuses, ces muscles tendus l’arracher au monde et l’avaler dans l’oubli. La respiration courte, elle serra les poings, sentant les ongles se planter dans la chair. La douleur la ramena à la réalité. A moins que ce soit le son de notification de son téléphone portable. Elle s’ébroua, puis tendit une main distraite vers le portable afin d’afficher le contenu du mail.
FWD : UN REVENANT PARISIEN DANS UNE EGLISE DU XII°

V,
C’est pas un truc pour ta chaîne ? Il y a moyen de faire un truc sympa non ?
Tiens-moi au courant,
Nico.

Image

Des picotements lui parcoururent l’échine. Ce n’était certainement pas un élément pertinent pour la chaîne de Victoria, mais Nicolas passait son temps à lui envoyer tout en n’importe quoi dans l’espoir d’obtenir les faveurs de la jeune fille. Pour Peytho, en revanche, c’était autre chose. Elle se souvenait de la toile de Dubreuil, Feu, qu’elle avait pu admirer brièvement au cours d’une soirée parisienne. Cela lui semblait loin… Les souvenirs avaient du mal à lui revenir. Autre simulacre, autre vie. Elle soupçonnait vaguement quelque chose à l’époque, mais s’était vite détournée de l’histoire.
Que Dubreuil revienne sur son chemin maintenant ne pouvait être ignoré. Après tout, elle ne croyait pas aux coïncidences…
Enian
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Re: Les Carnets de Peytho

Message par Enian »

Tu as une belle plume ! On se réjouit de la suite ! Nous venons de finir ce scénario - en trois mois de parties hebdomadaires - et j'ai hâte de voir comment cela se déroule à ta table !
Peytho
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Re: Les Carnets de Peytho

Message par Peytho »

« Et donc, tu as décidé d’y aller toute seule, sans recherches, comme ça ? Mais tu t’attends à quoi, Peytho ? Que l’énigme que tu poursuis vienne directement te saluer lorsque tu sortiras de la voiture ? »

La voix tendue de Tek grésilla dans le haut-parleur de la Peugeot 106, arrachant un sourire à la Nephilim. Cela faisait quelques semaines à peine qu’elle échangeait avec l’hydrim, et déjà les deux ne pouvaient s’empêcher de se faire des réflexions l’un à l’autre. Certes, il n’avait par tout à fait tort ; il n’était pas dans le caractère un peu fiévreux de Peytho la Lhoranide de prendre son temps à préparer trop de choses quand elle avait le sentiment qu’il lui fallait réagir. Elle avait à peine pris le temps de charger sur son ordinateur les quelques éléments essentiels pour son voyage : un plan du village de Rond-La-Tour, quelques adresses et photos en prévision du reportage vidéo et des entretiens enregistrés du peintre lors de certaines entrevues passées avec des journalistes. Mais en même temps, se préparer à quoi ? Elle agissait sur une intuition, un vieux souvenir d’une incarnation passée et l’impression folle de la première toile, Feu, exposée il y a de cela près de 15 ans dans une galerie du Vieux Paris… Elle s’était repassée quelques extraits de journaux, mais n’avait rien trouvé d’étonnant ou d’inquiétant, rien qui ne laisse deviner un début de quête ésotérique. A peine l’évocation d’un « Grand Oeuvre » qui avait fait écho à de vagues connaissances alchimiques.
« Je pars seulement quelques jours pour rencontrer le peintre, et je reviens Tek. Je ne pense pas qu’il y aura quoi que ce soit de bien passionnant, et je te préviens plus par sécurité. Si tu n’as pas de mes nouvelles dans les prochaines semaines, tu sauras qu’il y a bien un problème plus important qu’il n’y parait. Cette information te sera utile, quoi qu’il m’arrive. J’arrive bientôt, là. Je te rappelle si je trouve quelque chose qui peut t’intéresser, promis. »

Avec un soupir amusé, Peytho raccrocha rapidement en passant le panneau d’entrée du petit village. De vieilles pierres médiévales se laissaient deviner en haut de la petite colline. Il lui faudrait grimper, laissant derrière elle les bâtiments de briques modernes pour se diriger vers les demeures en pierres de taille. Tranquille, presque comme endormi, le centre-bourg semblait s’organiser autour de la vieille église romane du XII° siècle. Elle poussa sa petite voiture verte jusqu’à l’hôtel qu’elle avait repéré. Le moteur de la Peugeot criait tandis qu’elle cherchait désespérément à réussir son créneau, et elle ne put s’empêcher de jurer entre ses dents. Des hommes, assis en terrasse devant l’hôtel-restaurant semblaient s’amuser de la situation. Si Peytho souhaitait une arrivée discrète, c’était raté. Elle s’extirpa, agacée, de la voiture, arrachant la bandoulière accrochée à la portière. Elle sentait que ses gestes commençaient à lui échapper et une colère sourde gronder peu à peu, contre toutes ces petites choses qui paraissaient vouloir la ralentir. Elle claqua la porte, plus fort qu’elle n’aurait voulu et se mordit la lèvre pour se forcer à se calmer un peu.

Elle embrassa du regard le « relais des chasseurs » qui lui faisait face et serra un peu plus son sac contre elle. Il n’était pas étonnant qu’elle se sente nerveuse et un peu mal à l’aise face à une ancienne commanderie templière, même si cette dernière était transformée aujourd’hui en lieu de réunion des chasseurs du coin… Elle se força à regarder en détail le lieu, repérer dans les bâtisses métamorphosées par le temps les traces de cette Organisation Templière qu’elle ne connaissait que trop. Là-bas, les fermes, ici, la seigneurie médiévale, plus loin, les portes d’entrées de la commanderie… Il lui faudrait visiter tout cela, repartir sur les traces passées et s’assurer, surtout, qu’il ne reste aucune trace présente du Temple.

Prenant son sourire le plus innocent, elle s’avança jusqu’au comptoir, sur la gauche de l’entrée principale, afin de récupérer les clés d’une chambre et d’y installer ses affaires. Il lui fallait s’alléger rapidement, afin de profiter de l’après-midi pour découvrir les lieux et commencer à se repérer au sein des rues. Elle sentait bien les regards curieux posés sur elle, savait que d’ici quelques heures presque tous les habitants de ce petit village apprendraient la venue d’une petite étudiante parisienne. Alors, avant de pouvoir utiliser cette curiosité, il lui fallait rapidement exploiter cette brève fenêtre temporelle à bon escient. Elle déposa rapidement ses affaires dans la petite chambre, se changea, récupéra l’appareil photo, le petit carnet de notes, et s’engouffra de nouveau dans l’escalier pour sortir du bâtiment. Elle repéra rapidement quelques photos, et décida de prendre le temps plus tard - ce soir, pendant le repas ? - de les examiner plus en détail.

Elle descendait avec entrain la route pavée, cherchant du regard le panneau « office de tourisme » repéré pendant son ascension en voiture. Après tout, quoi de mieux que l’office de tourisme pour vendre l’histoire de l’étudiante en Histoire de l’Art ? Il lui fallait trouver un sujet de mémoire qui pourrait être un prétexte à une rencontre avec l’artiste peintre… ou peut-être trouver quelque chose de plus tourné vers le village pour délier plus facilement quelques langues…

Elle en était là de ses réflexions quand elle s’arrêta devant la porte vitrée du bâtiment. Le lieu était étriqué, peu fréquenté. Un bureau trônait au milieu de la petite pièce, gardé par deux étagères remplies de brochures un peu poussiéreuses. Assis, un vieil homme lisait un livre. Il sursauta quand Peytho ouvrit la porte.

« Bonjour, monsieur. Je suis désolée de vous déranger, mais je cherche l’office de tourisme. Je suis bien au bon endroit ?
- Tout à fait mademoiselle, tout à fait. Je m’occupe de la permanence de l’après-midi. Comment puis-je vous aider ?»

Avec un grand sourire joyeux, elle agita son appareil photo : « Je m’appelle Victoria, photographe à mes heures perdues et je cherche… ».

Le vieil homme se referma rapidement et d’un ton bourru lui coupa la parole :
« Les journalistes, on en a assez. Passez votre chemin.
- Journaliste ? Non, non, je suis une étudiante en recherche de monuments à prendre en photo, et j’avais cru comprendre que votre village est construit sur les ruines d’une vieille commanderie templière… Je me suis dit que peut-être vous aviez gardé des vestiges de cette époque ? J’aimerais pouvoir les photographier avant de reprendre la route…
- Ah, si c’est pour ça, oui, il nous reste des belles choses ici, à Rond-la-Tour… Je vous sors le plan, pour vous montrer ça. Vous savez, on est un petit village tranquille ici…, ajouta-t-il, comme en excuse.
- Je suis désolée de vous avoir mis mal à l’aide, monsieur.
- Mais non, mais non, c’est juste… ».

Il poussa un soupir agacé puis continua : « Vous savez, jeune fille, un vieux peintre parisien a décidé de venir s’installer dans le coin. Alors des journalistes sont venus pour faire des reportages et interroger du monde… Ah, au début, ça fait de la vie, c’est amusant, on se voit à la télé le soir, mais au bout de quelques jours, c’est… agaçant… On préfère quand c’est tranquille, quand c’est chez nous… Ici, il y a plus de choses dignes d’un reportage que ce Dubreuil, vous pouvez me croire… Je vais vous indiquer ça, vous allez voir… »

Peytho laissa le vieil homme marquer au stylo différents points sur une petite carte imprimée, regardant par dessus son épaule à mesure des explications.

« Si vous voulez de belles photos, je vous conseille de commencer par les portes. De ce côté, vous avez la porte aux loups, de l’autre, la parte aux babouins. Les sculptures sont assez bien conservées, vous verrez. Si vous aimez bien le style, alors il faudra aller voir du côté de la Maison aux gargouilles. Elle est assez impressionnante. En face, vous aurez l’église avec la relique du petit doigt de Saint-Jean. Bon, après, là-bas, c’est la Tour aux Corbeaux. Si vous aimez pas ces bestioles, vous approchez pas trop. C’est que ça fait un bruit quand ça braille… Enfin, ici, c’est le vieux lavoir. Il est encore en marche donc il est parfois occupé.
- Et ici ?
- C’est la première église du village. Une église romane du XII° siècle à peu prêt. Mais elle a été désacralisée et vendue à un particulier. Pas visitable. »

Le vieil homme ferma le stylo et tendit la carte.

« Voilà ! Bonne visite, mademoiselle. »

Après l’avoir remercié, Peytho sortit, la carte à la main. La maison des Gargouille pouvait être intéressante mais la relique ne semblait pas une piste bien sérieuse pour commencer les recherches. Elle décida de traverser les rues pour découvrir la porte aux babouins.

L’été semblait s’attarder un peu en ce mois d’octobre, malgré la légère brise qui, insidieusement, venait à glacer un peu les os du simulacre épuisé par la route de la journée. Quand Peytho s’approcha de la Porte aux Babouins, elle ne put réfréner un frisson. Cette imposante porte médiévale était constituée de deux petites tours décorées de nombreuses statues de babouins, d’un réalisme criant. Les petits crocs sortis de certains, les gueules ouvertes comme saisis dans un hurlement déchirant ne pouvaient décidément pas laisser le visiteur indifférent. L’arche laissait entrevoir les pointes d’une vieille herse bloquée, métallique, lourde… Et l’ensemble, comme pris au piège d’une seconde éternelle, semblait comme pouvoir se ranimer brusquement et empaler le visiteur inconscient.

Très lentement, Peytho s’approcha des sculptures. De près, les animaux étaient anthropomorphisés, habillés à outrance de vêtements ecclésiastiques, de mitres, d’encensoirs et de calices. Les oreilles pointues, les poils et les plumes mélangés à ces étranges symboles d’apparat donnaient à l’ensemble une dimension presque satirique. Chacun des socles de ces étranges sculptures présentait des inscriptions, des témoignages avalés par le temps… L’une d’entre elle cependant, plus éloignée peut-être, plus résistante, laissait deviner une écriture latine gravée dans le métal. Peytho s’approcha pour la déchiffrer… Elle plongea brièvement dans son ancienne histoire de moine copiste, il y a de cela tellement de vies, pour y chercher la signification. Comme attirée par l’objet, elle y posa ses doits et entreprit de ressentir les marques par les doigts, comme si toucher les lettres pouvait l’aider à déchiffrer le tout.

« Suis avec tes doigts le contour des lettres, et tu apprendras la vérité du Temple. »

Elle arracha brusquement sa main à la pierre, saisie de sa lecture… Elle remarqua que l’inscription se poursuivait sur le côté et ne put s’empêcher de sentir un léger picotement au bout des doigts. Elle replaça sa main à quelques millimètres de la porte, nerveuse. Prise d’une tentation fiévreuse, elle désirait se prêter au jeu, poser sa main sur la pierre, découvrir un secret de ce Temple honni qui la poursuivait depuis si longtemps… Prendre le risque de la curiosité…
Décidée, elle avança son index et poursuivit rapidement la lecture, dévorant les lettres les unes après les autres, oubliant de savourer la découverte.

« Malheur à l’Inconnu Supérieur ! Que les cinq punitions-croix tombent sur lui afin de nous donner la domination éternelle ».


Peytho ne put réprimer un cri. La main, saisie dans la griffe d’un des babouins, resta bloquée contre la pierre et la faisait douloureusement souffrir. Elle sentit bouger brusquement son Pentacle, comme si les Ka-éléments qui la constituaient souhaitaient d’eux-mêmes s’arracher d’elle. Elle lutta contre la fuite des branches de son Pentacle, contre cette griffe qui la retenait prisonnière. La douleur résonnait en elle comme une brûlure qui irradiait tout son corps. Elle posa son pied contre une des têtes hurleuses et poussa de toutes ses forces pour se jeter au sol. A terre, sonnée, elle passa en vision-Ka. Les petits soubresauts et tremblements correspondaient bien à son état actuel. Un morceau de son Ka-Feu venait de lui être arraché et elle comprit que les babouins étaient en réalité des stases, prisons pensées par les Templiers, pour ses frères et soeurs Nephilim. Avec une bouffée d’angoisse, elle vérifia chacune d’entre elles. La porte était déserte. Plus un seul prisonnier des Templiers ne restait endormi là. Elle compta le nombre impressionnant de statues, réalisant que chacune avait un jour abrité un Nephilim, à présent entièrement disparu… Elle fut pris d’une terrible nausée.

Elle se releva, difficilement, secouée de discrets sanglots et d’un goût de fer dans la bouche.

« Pardon mes frères » murmura-t-elle avant de regagner doucement le relais du chasseur pour sombrer dans un sommeil sans rêve.
Peytho
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Re: Les Carnets de Peytho

Message par Peytho »

Le réveil fut difficile. Courbaturée, épuisée encore, Peytho se traina péniblement vers le miroir de la salle de bain. Son simulacre accusait le coup du rituel encore actif sur la Porte aux Babouins. Elle glissa la main sur sa poitrine et passa en Vision-Ka pour examiner son Pentacle. Elle y admira les champs magiques pulser comme un coeur, se mouvoir et se frôler… Ses Ka Lune et Eau, farouches, timides, cherchaient à s’éloigner de son Ka-Feu, plus grand, plus majestueux. Elle remarqua bien vite que ce dernier ne se comportait pas comme d’habitude ; l’élément semblait comme figé, paralysé. Il était lent dans son déplacement, abîmé. Peytho ne s’étonna plus de sa fatigue. Il lui fallait se ressourcer rapidement, afin de permettre à son Pentacle de se rééquilibrer correctement. Rares étaient les Morsures capables d’entamer ainsi le Pentacle d’un Néphilim. Et parmi elles, les plus redoutables restaient probablement celles les Templiers.

Vieil Ordre de fanatiques devant l’Eternel, Peytho ne les connaissait que trop bien… Ces humains n’étaient pas faibles comme ceux qu’elle utilisait comme simulacre. Ils savaient manier ce magnifique Ka-Soleil propre aux Hommes, hors de portée encore des Nephilim. Dans une autre vie, elle avait même cru qu’elle pourrait essayer de s’y réchauffer. Apprendre à le maitriser, tenter de le manipuler. Elle avait fini par s’y brûler. Trahie. Le visage de Pluton s’afficha alors en surimpression dans le miroir. Elle sursauta, s’arrachant à sa contemplation des champs magiques. Des rares souvenirs qui lui restaient, le visage de cette statue traversait ses vécus. Elle savait que c’était un symbole, un masque, qui l’empêchait d’accéder au souvenir. Elle décida de repousser pour un temps cette énigme afin de se concentrer sur la recherche présente.

En s’approchant du bureau elle dégagea les quelques photos prises de la porte des Babouins. Depuis qu’elle avait appris que chaque sculpture avait été une Stase, le visage criard des singes avait à présent l’apparence de hurlements de douleur et de terreur.
Les humains initiés aux mystères des Néphilims avaient appris à créer ces atroces prisons magiques pour les enfermer et contrôler leurs pouvoirs. Peytho redoutait et détestait sa stase. Ce n’était pas l’objet en lui-même qui lui faisait peur, mais plutôt… le sommeil. L’oubli. La nécessité de devoir tout reconstruire et reconquérir à chaque Réveil. Elle ressentait avec une acuité terrible la part gargantuesque des souvenirs dévorés. Des vécus entiers. Des vies, enfouies en elles, espérant ressurgir à la moindre faiblesse, pour la faire Chuter de nouveau. La faire disparaitre, dans l’Ombre, loin de tout état de conscience et de sapience. Libre, cependant, elle pouvait résister.

Ses frères n’avaient pas eu cette chance. Prisonniers de ces stases, utilisés jusqu’à l’épuisement, ils s’étaient délités peu à peu. Les Templiers avaient arraché miette après miette les Ka de leur Pentacle. Impuissants, ils s’étaient probablement sentis partir, cesser d’exister, sans espoir, jamais, de pouvoir s’en sortir. Une longue torture d’agonie, sous l’oeil sadique du Temple.

Dans un accès de rage, elle jeta à terre les photos. Même ankylosé, son Ka-Feu vibrait d’une colère sourde, exigeant de se déchainer rapidement, de retrouver les descendants de ces monstres et les éradiquer. Les uns après les autres. Et tout brûler, enfin.

Déterminée, elle attrapa son sac et se dirigea vers la salle prendre un café chaud.
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